Par Le Figaro avec AFP
Le 20 décembre 2025 à 09h00

Créé en 2024 par Hélène Daccord, le programme consiste à mettre en relation des musiciens professionnels en exil avec des mentors pour qu’ils puissent exercer leur art dans un contexte difficile.
Ils ont beau être déracinés en France, ils souhaitent poursuivre leur carrière musicale. Syriens, Ukrainiens, Libanais, Turcs ou Arméniens... ils ont intégré un programme de parrainage qui met en relation des musiciens professionnels en exil avec des « mentors ».
Dans le salon feutré d'un hôtel particulier de Paris parsemé de tableaux, Jules Chahine, clarinettiste syrien, laisse échapper les premières notes des danses roumaines du compositeur hongrois Béla Bartok, qui se mélangent avec entrain à celles du piano jouées par sa partenaire libanaise Merly El Haddad. Puis l'ancien membre de l'Orchestre symphonique national à Damas, ville où il enseignait la musique il y a encore trois ans, enchaîne avec une œuvre contemporaine de son compatriote Dia Succari, yeux fermés et mine grave. Avec Merly, Jules, 28 ans, fait partie des onze musiciens professionnels sélectionnés, parmi plus de 70 candidatures de 24 nationalités différentes, pour la première édition du programme Pax Musica .
De Rostropovitch à Wagner en passant par Chopin, « la musique est faite de migration », rappelle ainsi Hélène Daccord, créatrice de l'association du même nom. Pendant un an, les artistes retenus à l'issue d'une audition, bénéficient de l'aide d'un « mentor », un professionnel accompli, qui leur prodigue des conseils scéniques et artistiques allant de la construction d'un programme au renouvellement de l'instrument mais peut aussi les mettre en contact avec des maisons de disques. Autant « de codes culturels informels qui ne s'apprennent pas dans les livres », explique la fondatrice de Pax Musica, soutenue par une quinzaine de partenaires institutionnels et associations. « Je leur distille quelques astuces et leur fais profiter de mon réseau mais je ne suis pas leur professeur de musique, ils sont déjà des artistes accomplis », souligne le parrain de Jules et Merly, Raphaël Sévère, clarinettiste et compositeur multirécompensé.
Dans un milieu « hermétique » où la concurrence est rude, l'artiste à la carrière internationale voudrait éviter au duo les affres subies par sa mère pianiste, qui n'a « jamais eu la carrière qu'elle méritait » après avoir fui l'ex-Yougoslavie, confie-t-il.
Repartir de zéro
« J'ai perdu pas mal de temps au début pour comprendre le fonctionnement de la culture française, je partais de zéro », témoigne le mentor franco-cubain Ronald Martin Alonso. « Or, il ne suffit pas d'être un excellent musicien pour construire une carrière », insiste le joueur de viole de gambe. « Passer du conservatoire à une activité professionnelle, c'est très difficile en soi, mais quand on est étranger, encore plus. On ne sait pas toujours quelle route choisir et il ne faut pas se disperser », acquiesce à ses côtés le jeune Toma Bervestsky, arrivé en France adolescent.
Le violoniste, qui ne peut pas compter sur l'aide de son père, chef d'orchestre en Ukraine, peut néanmoins profiter du soutien de ses collègues, étrangers comme lui, lors de résidences organisées par l'association en plus des concerts programmés dans des territoires éloignés de la musique classique. « Quand on est ensemble, je profite, je joue avec joie, je ne me sens pas obligé de prouver quelque chose et je sens de la bienveillance », approuve Jules Chahine qui, « face à la concurrence », a douté sur sa capacité à poursuivre une carrière. Le virtuose a vécu « des expériences terribles », glisse-t-il du bout des lèvres, mais ne tient pas pour autant à être réduit à l'image d'exilé: « si on se pose en victime, on ne parle plus de musique », dit-il pudiquement. « Écoutez-les, leur musique parle pour eux », enjoint Raphaël Sévère en invitant « à lire entre les lignes » du duo, qui travaillent à un disque en hommage aux artistes du Levant avec l'espoir, quand la sécurité sera revenue, d'organiser des concerts en Syrie.

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