© Kateryna Onyshchuk/Getty Images
Alors que la consommation de cocaïne a considérablement augmenté en France en 13 ans, nous nous sommes penchés sur les effets méconnus de la consommation de cocaïne sur la mâchoire et la sphère buccodentaire.
La consommation de cocaïne a beaucoup progressé en France, passant de 15 tonnes en 2010 à 47 tonnes en 2023 (soit + 214 %), selon les derniers chiffres de l’Observatoire français des drogues et tendances addictives (OFDT).
Si les risques cardiaques et de dépendance sont de plus en plus connus, il en est des moins évidents et néanmoins réels, sur la mâchoire et la sphère buccodentaire.
Du bruxisme, mais pas seulement
De par son effet sur le système nerveux, la cocaïne entraîne ce que l’on appelle des bruxismes (grincements involontaires des dents, durant le sommeil ou en journée), qui peuvent abîmer les dents. Mais ce bruxisme ne nuit pas seulement aux dents. Il entraîne aussi des dysfonctionnements temporomandibulaires (ou DTM). « Il faut rappeler que la mâchoire inférieure est libre, c’est-à-dire qu’elle n’est tenue que par une articulation avec le crâne, l’articulation temporomandibulaire, au niveau de l’os temporal », détaille le Dr Fabien Cohen, chirurgien-dentiste et Secrétaire général de la Société Française des Acteurs de la Santé Publique Bucco-Dentaire. « Et ce lien peut être distendu, à cause des bruxismes, et entraîner des douleurs cervicofaciales, de la gêne, des difficultés à mastiquer etc. », avertit le spécialiste.
Les conséquences buccales de la cocaïne
Lorsqu’elle est sniffée, la cocaïne peut entraîner des lésions de la cloison nasale, qui peuvent aller jusqu’à une perforation de la cloison nasale, et entraîner l’érosion du palais, des muscles du nez et des sinus.
Mais lorsqu’elle est consommée par la bouche, frottée contre les gencives par exemple, ou fumée sous forme de crack, elle a aussi des effets délétères : « cela peut entraîner des ulcérations gingivales, des gingivorragies, c’est-à-dire des saignements, voire quand c’est utilisé en application, des desquamations de la muqueuse », liste le Dr Cohen.
La cocaïne a aussi des effets sur le microbiote buccal (ou flore buccale), qu’elle perturbe, ce qui augmente le risque d’halitose (mauvaise haleine), de mycose, et de manque de salive (xérostomie). Et si la consommation de chewing-gum peut pallier ponctuellement ce manque de salive, c’est clairement insuffisant sur le long terme pour contrer ces complications.
« La cocaïne occasionne aussi de petites paresthésies linguales et labiales, c’est-à-dire l’absence de sensibilité : les consommateurs réguliers perdent la sensibilité de la langue et des lèvres, mais aussi le goût, dans l’ordre amer, sucré, salé et acide », décrit le spécialiste. Autant d’effets qui sont augmentés lorsqu’il y a polytoxicomanie, c’est-à-dire lorsqu’à la consommation de cocaïne s’ajoutent d’autres drogues, y compris tabac et alcool.
Des solutions pour limiter les dégâts, en attendant de parvenir au sevrage
Si le mieux est évidemment d’arrêter de consommer, en se faisant aider (notamment via Drogue Info service au 0 800 23 13 13), il est aussi judicieux d’oser pousser la porte d’un cabinet dentaire.
« Quitte à prendre ce genre de produit, allez voir votre dentiste régulièrement. Parlez-lui-en, c’est un professionnel médical comme un autre, et si vous avez des symptômes qui peuvent apparaître, il peut vous aider à les atténuer en attendant de parvenir au sevrage total », souligne le Dr Cohen. Le dentiste évoque notamment les gouttières dentaires occlusales contre le bruxisme, mais aussi les traitements pour éviter les surinfections, en cas de gingivite par exemple. « C’est dans la logique du “prévenir plutôt que guérir” : puisqu’ils ne peuvent pas tous arrêter du jour au lendemain, qu’ils préviennent les complications buccodentaires en consultant », recommande ainsi le spécialiste. Rappelons que les dentistes sont soumis au secret médical, et que leur rôle est avant tout de soigner, d’informer et d’orienter les patients, sans jugement, afin qu’ils aient la meilleure santé possible.
Sources
Source 1 : entretien téléphonique avec le Dr Fabien Cohen, le 18/12/25.
Source 2 : Fabien Cohen, Santé buccodentaire des usagers de substances psychoactives, La Presse Médicale, Volume 45, Issue 12, Part 1, 2016, Pages 1178-1186, ISSN 0755-4982, https://doi.org/10.1016/j.lpm.2016.09.009

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