Les neurones communiquent aussi grâce à des nanotubes

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Il était jusqu’à présent classiquement admis que la communication neuronale reposait essentiellement sur les synapses. Mais si ces dernières permettent la propagation d’un signal électrique entre les cellules, elles n’expliquent pas comment de grosses molécules peuvent être transférées directement d’un neurone à l’autre, comme cela est observé. En 2009, l’équipe de Chiara Zurzolo, professeuse à l’institut Pasteur, a été la première à montrer que des structures appelées TNT (tunneling nanotubes) formaient des tunnels entre neurones en culture et assuraient la propagation directe de certains peptides pathologiques impliqués dans les maladies d’Alzheimer et de Parkinson. Mais sont-elles les seules structures de communication de ce type ? En explorant cette question, Hyung-Bae Kwon et ses collègues de l’école de médecine de l’université Johns-Hopkins, aux États-Unis, ont fait une découverte étonnante.

Ces scientifiques se sont intéressés à de fines protrusions émergeant des dendrites neuronales jusqu’alors interprétées comme des synapses en formation. Grâce à des techniques d’imagerie à haute résolution, ils ont caractérisé ces structures dans des tissus cérébraux humains et murins, et ont mis en évidence qu’elles formaient des jonctions avec les dendrites des neurones voisins. Si cette caractéristique rappelle les TNT, les nanotubes dendritiques (DNT) se distinguent de leurs homologues par leur longueur, qui n’excède pas quelques micromètres, par leur perméabilité, puisque l’extrémité donnant sur les neurones voisins est partiellement fermée, et par leur dynamisme : ils se forment et se défont en quelques minutes, pour une durée de vie de quelques heures seulement.

En injectant du calcium – un ion essentiel à la communication cellulaire – dans le soma (la partie centrale) d’un neurone, les chercheurs ont observé une augmentation de la concentration de cet élément dans les neurones adjacents. Or en bloquant chimiquement la fabrication des nanotubes, les fluctuations calciques dans les neurones voisins du neurone injecté disparaissent. Un résultat qui suggère un rôle physiologique de ces nanotubes dendritiques dans la communication neuronale, et fait définitivement perdre aux synapses leur précédent monopole.

Hyung-Bae Kwon et ses collègues ont répété l’expérience avec des molécules variées, et ont mis en évidence que, en plus des signaux calciques, ces passerelles dendritiques, comme les TNT, permettaient aussi le passage de petits peptides potentiellement pathologiques d’un neurone à l’autre, comme la bêta-amyloïde, qui s’agrège de façon anormale dans la maladie d’Alzheimer. « Il sera essentiel à l’avenir de comprendre comment ces connexions fermées assurent le passage de grands agrégats d’amyloïde », souligne Chiara Zurzolo.

En étudiant les tissus cérébraux de souris modèles de la maladie d’Alzheimer à un âge jeune, l’équipe de l’université Johns-Hopkins a constaté une augmentation du nombre de nanotubes dendritiques chez les animaux malades, bien avant l’apparition de plaques amyloïdes. Et grâce à une modélisation informatique, les chercheurs ont montré que cette réorganisation précoce du réseau nanotubulaire accélérait la propagation de peptides pathologiques et aboutissait à leur accumulation dans certains neurones spécifiques.

Le remodelage très précoce de ce réseau dans la maladie d’Alzheimer, bien que probablement destiné à redistribuer les protéines toxiques encore non agrégées entre plusieurs cellules pour diminuer leur charge individuelle, jouerait donc un rôle essentiel dans le déclenchement des maladies neurodégénératives en accélérant la propagation des molécules pathologiques. Selon Chiara Zurzolo, ces résultats s’inscrivent dans une vision désormais plus large de la communication neuronale : au-delà des synapses, les cellules du cerveau utilisent aussi des structures comme les DNT et les TNT, qui se réorganisent et réagissent fortement aux situations de stress ou de maladie, possiblement de manière délétère. De ce fait, ces formations représentent une nouvelle cible thérapeutique potentielle pour le traitement de maladies neurodégénératives encore incurables.

Les neurones communiquent aussi grâce à des nanotubes

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