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En collaboration avec Delphine Théaudin (Psychologue clinicienne et gérante associée de l’organisme de formation “La vie de Parents”, à Rennes (35).)
Avoir peur peut sembler étrange quand on le choisit volontairement. Pourtant, les films d’horreur, les maisons hantées ou les manèges à sensation séduisent des millions de personnes. Comment expliquer cela ?
L'essentiel
Résumé par l’IA, validé par la Rédaction.
Aimer se faire peur est plus courant qu’on ne le pense. De nombreuses personnes recherchent des frissons intenses qui secouent… Mais rassurent aussi. Ils nous rappellent que nous sommes vivants, en sécurité et capables de dépasser nos limites. Pour comprendre ce phénomène, nous avons interrogé Delphine Théaudin, psychologue clinicienne.
Rappel : à quoi sert la peur ?
La peur n’est pas là pour nous compliquer la vie. Elle nous protège : en cas de danger, elle prépare notre corps à se défendre ou à fuir.
Au cœur de ce mécanisme : l’amygdale. Cette petite structure cérébrale surveille notre environnement en continu et lance l’alerte dès qu’elle repère quelque chose de potentiellement menaçant.
Lorsque la peur se déclenche, plusieurs hormones interviennent :
- Le cortisol, qui maintient notre corps en état d’alerte.
- L’adrénaline, qui prépare notre corps à réagir rapidement.
- La dopamine et les endorphines, libérées après coup, qui apportent une sensation de soulagement et même de bien-être une fois le danger écarté.
Ce mécanisme peut être inconfortable, mais il est parfaitement normal… Et même indispensable ! Sans lui, nous ne saurions pas reconnaître les situations à risque ni nous protéger efficacement.
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Comment la peur peut-elle devenir agréable ?
Aimer avoir peur peut sembler paradoxal. Pourtant, c’est un phénomène très courant, et il a une explication simple. Lorsque la peur se déclenche dans un contexte sécurisé, le cerveau active d’abord le système d’alerte… Puis relâche la pression en envoyant des sensations de soulagement.
« Ce qui fait la différence, c’est le cadre : on frissonne, mais on garde le contrôle. On sait que rien de grave ne peut arriver. Cette combinaison particulière stimule les circuits du plaisir et renforce l’envie de recommencer », explique Delphine Théaudin.
Quelques exemples du quotidien :
- Grimper dans un manège vertigineux mais sécurisé ;
- Jouer à des jeux vidéo d’horreur ou d’aventure intense ;
- Regarder un film d’horreur confortablement installé chez soi ;
- Lire ou écouter une histoire qui fait peur, avec la possibilité d’arrêter à tout moment ;
- Explorer des maisons hantées ou des labyrinthes effrayants lors d’événements spéciaux ;
- Se lancer dans des activités extrêmes comme le saut à l’élastique ou le parachutisme, où la sécurité est garantie,
- Etc.
Pourquoi certains adorent avoir peur… Et d’autres pas du tout ?
Nous ne réagissons pas tous de la même manière aux sensations fortes. Comme le rappelle Delphine Théaudin, notre rapport à la peur dépend de plusieurs facteurs :
- Notre éducation,
- Notre personnalité,
- Nos expériences passées,
- La façon dont on nous a appris à gérer le danger,
- Et bien d’autres éléments liés à notre histoire personnelle.
« Certaines personnes sont plus sensibles aux émotions fortes, n’aiment pas perdre le contrôle ou associent la peur à des souvenirs désagréables. Si tel est votre cas, il ne faut jamais vous forcer. L’essentiel est d’écouter vos limites et de respecter votre rythme ! », insiste Delphine Théaudin.
Se faire peur : est-ce bon pour la santé ?
Oui, dans certaines limites. Affronter des situations effrayantes peut avoir des effets positifs sur le plan psychologique :
- Améliorer l’estime de soi,
- Renforcer la confiance en soi,
- Donner un sentiment de réussite,
- Aider à mieux comprendre ses réactions émotionnelles.
Est-ce que cela nous aide à mieux réagir en cas de vrai danger ?
Pas toujours… Delphine Théaudin distingue deux situations :
- Être exposé(e) régulièrement à des émotions fortes dans des contextes contrôlés et réalistes peut aider le corps et le cerveau à se préparer. Par exemple, un entraînement avec une mise en scène réaliste permet de développer des réflexes et des automatismes utiles.
- En revanche, regarder un film d’horreur ou monter dans un manège à sensations ne prépare pas à faire face à un accident ou une situation réellement dangereuse. Ces expériences activent la peur, mais dans un cadre sûr, et ne reproduisent pas les risques réels.
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Peut-on devenir « accro » à la peur ?
Oui, il est possible de devenir « accro » à la peur, même s’il ne s’agit pas vraiment d’une addiction. « Plus on expose son cerveau à la peur, plus il peut en rechercher. C’est tout à fait normal, tant que cela ne prend pas trop de place et que vous ne vous mettez pas en danger », prévient Delphine Théaudin.
Faut-il s’inquiéter si l’on adore se faire peur ?
En général, non. Tant que cela reste un plaisir et n’impacte pas votre bien-être, c’est une réponse émotionnelle normale. En revanche, si :
- La peur commence à envahir votre vie quotidienne,
- Vous avez besoin d’augmenter l’intensité à chaque fois,
- Vous vous mettez en danger pour ressentir des sensations fortes,
Dans ce cas, il peut être utile d’en parler à un professionnel !
Comment profiter de la peur « plaisir » en toute sécurité ?
La peur peut être source de sensations fortes et même de plaisir… À condition de rester en sécurité. Voici comment :
- Choisissez un cadre sûr : cinéma, salon, parc d’attractions ou activité encadrée. L’important est que l’environnement soit contrôlé et qu’il n’y ait aucun danger réel.
- Allez-y progressivement : si vous êtes sensible, commencez par des expériences légères. Vous pourrez augmenter l’intensité petit à petit, sans vous sentir submergé.
- Entourez-vous : partager l’expérience avec des amis ou la famille rend la peur plus supportable… Et souvent beaucoup plus drôle.
- Écoutez votre corps : si votre cœur s’emballe ou que l’angoisse devient trop forte, faites une pause. Votre corps sait quand il est temps de s’arrêter.
- Choisissez le bon moment : évitez les expériences très effrayantes juste avant de dormir si vous êtes sujet aux cauchemars.
- Variez les expériences : alternez frissons et activités plus calmes pour que la peur reste un plaisir et non un stress permanent.
En résumé, se faire peur n’a rien d’inquiétant. C’est une manière naturelle d’explorer ses émotions, de vivre des sensations intenses et parfois de renforcer sa confiance. L’essentiel est d’écouter ses limites et d’avancer à son rythme. Frissonner, oui… Mais en douceur !
Sources
Entretien avec Delphine Théaudin, psychologue clinicienne et co-gérante de La Vie des Parents, un organisme spécialisé dans l’accompagnement en éducation et parentalité à Rennes (35).

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