INTERIVIEW - Sorti en salle ce mercredi et porté par un l’acteur de The Crown, ce drame surprend par sa douceur et sensibilité face à la dévastation. Le Figaro a rencontré son jeune réalisateur prometteur au festival de Deauville.
Présenté en janvier dernier au Festival de Sundance, puis en septembre au Festival du film américain de Deauville, Rebuilding de Max Walker-Silverman fut à chaque fois un des récits les plus délicats et émouvants de ses deux compétitions. Avec ce second long-métrage, le réalisateur de 32 ans, qui a grandi dans le Colorado, y raconte l’histoire de Dusty, un éleveur frappé par des incendies destructeurs qui va apprendre à se relever et à retrouver sa place dans la communauté. Rencontre avec un jeune cinéaste qui a renoué avec ses racines
LE FIGARO. - Qu’est ce qui vous a inspiré l’intrigue de Rebuilding ?
Max Walker-Silverman. - Tout a commencé en 2020, une période très étrange dans le monde. Je suis rentré chez moi dans le sud-ouest du Colorado. J’étais tellement heureux d’être revenu dans le plus bel endroit du monde. Mais d’un autre côté avec la pandémie, le futur était totalement incertain. L’avenir était enfumé, au sens propre comme au figuré. Dans un monde qui se réchauffe où les incendies, les sécheresses prolifèrent, la maison de ma grand-mère a brûlé dans un feu de forêt. Une tragédie mais la nature est vite revenue sur cette terre dévastée. Les plantes ont repoussé, le vert est revenu. Voir une fleur s’épanouir était d’une puissance indescriptible. Certains habitants sont revenus et ont reconstruit. Pas comme avant. C’était vraiment plus un acte de réinvention et de réimagination. Cela esquissait une version du futur où il ne s’agit pas de trouver la permanence, mais de compter sur la solidarité pour trouver les moyens d’avancer, de changer et d’évoluer. C’était une vraie source d’espoir.
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Dans Rebuilding , cette renaissance passe par ce petit groupe qui trouve un chez soi provisoire dans des mobile homes de fortune.
Cet habitat fait partie intégrante de la vie : un nombre croissant de personnes y vivent. La façon dont nous avons construit nos maisons et où nous avons construit ne permet pas à ces constructions en dur de durée. Peut-être, y a-t-il quelque chose de nomade chez notre espèce. Je voulais explorer le concept de « foyer » au-delà du simple bâtiment. À travers un lieu, un groupe de personnes, un sentiment d’appartenance qui transcende le bois et la brique.
Votre film a eu sa première mondiale en janvier au festival de Sundance, quelques semaines après les incendies qui ont dévasté la région de Los Angeles. Cela a donné à cette projection une émotion particulière.
Oui, c’était une période très intense pour présenter ce film. J’ignorais des centaines de personnes de la ville la plus importante du cinéma le découvriraient en étant touché de près ou de loin par cette destruction. Je ne pouvais qu’espérer que Rebuilding apporte un semblant de réconfort. Ne serait-ce que pour une seule de ses personnes. Nous avons été projetés à Sundance comme au Festival du film américain de Deauville en même temps que Train Dreams de Netflix, qui mettait lui aussi en scène un incendie hors de contrôle. Ces sinistres font désormais partie de notre quotidien. Il n’est pas surprenant que les gens essaient de comprendre ce phénomène qui défie l’entendement à travers l’art. Lorsque nous perdons un proche, nous nous rendons au cimetière et organisons une cérémonie. Cela n’adoucit pas immédiatement le chagrin mais cela ouvre un chemin, fait prendre conscience de ce que nous avons perdu. Mais rien de cela n’existe lorsqu’on perd ses photos, ses recettes de grand-mère ou sa maison d’enfance.
« Je voulais raconter l’histoire d’un homme qui n’est pas défini par ce qu’il croit »
Max Walker-SilvermanAu cœur du film se trouve la relation entre Dusty et sa fille. On devine qu’il n’a pas été un père très impliqué.
Là d’où je viens existe une très forte tradition de masculinité solitaire et silencieuse, qui valorise la dureté et l’autonomie. Ce qui est source de souffrance : nous avons besoin des autres. Dusty pense que les autres ont besoin de lui, avant de comprendre que c’est lui qui a besoin des autres : sa famille de sang comme ceux qui deviennent ses proches de cœur. Je voulais raconter l’histoire d’un homme qui n’est pas défini par ce qu’il croit. Dusty pense être façonné par son travail, par sa terre et par cet héritage. Il passe un peu à côté du présent. Il finit par comprendre que sa fille c’est l’avenir. Je souhaitais aussi dépeindre deux parents divorcés qui trouvent un moyen de prendre soin de leur enfant avec amour. C’est comme cela que j’ai été élevé.
Pourquoi avoir choisi un acteur britannique comme Josh O’Connor pour camper votre cow-boy du XXIe siècle ?
La plupart des acteurs recherchent des rôles où ils ont beaucoup à faire : crier, se battre, courir. Or Dusty n’a plus rien. Il me fallait quelqu’un capable d’insuffler de l’âme et de l’humanité à un fantôme. Déjà dans The Crown, Josh tentait de dépasser les canons de la masculinité. C’est une vraie crème, cela compte sur un petit plateau comme le nôtre constitué de quelques acteurs professionnels et de beaucoup d’amateurs.
Josh O’Connor ne fait qu’un avec les paysages...
Je souhaitais que Rebuilding associe naturalisme et formalisme. Que l’on ne soit ni dans une approche hollywoodienne ni dans une vision trop âpre et réaliste. Comment le réel est possible quand ce que nous voyons passe forcément par le filtre du celluloïd ? Avec mon chef opérateur, nous avons revu Le secret de Brokeback Montain d’Ang Lee, qui a été une de nos références centrales. Le hasard a fait que nous avons tourné dans une forêt qui avait brûlé quelques années auparavant. Sa repousse nous a donné du fil à retordre ! C’était un « problème » qui nous a emplis de joie. Nous avions une petite équipe de personnes munies de peinture noire écologique qui couraient partout pour masquer le vert ! Nous avons filmé six semaines dehors, au même endroit, assistant à des phénomènes météo incroyables comme ces orages. Ces images ont imprimé notre pellicule.

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