La viticulture française connaît une zone de turbulence, mais porte en elle les germes d’un renouveau prometteur. Si la consommation évolue et les volumes reculent, une dynamique nouvelle se dessine. Côté spiritueux la France en pince pour le saké, la tequila ou encore le whisky. Côté vins, les jeunes générations veulent de la transparence, des vins plus légers, et des histoires authentiques. Et la France a un atout incomparable : la diversité de ses terroirs et le savoir-faire de milliers de vignerons qui innovent déjà : Bio, sans soufre, vins doux, sans sucre, faibles degrés, cuvées plus accessibles, œnotourisme repensé, etc. Si la filière continue à s’adapter, à écouter les attentes et à valoriser ses forces, la viticulture française peut rebondir, et redevenir aussi un moteur culturel et économique. Le vin change et l’avenir reste ouvert.
L’agave, le nouvel or vert ? La question peut se poser tant la demande de tequila s’affiche en hausse dans un marché plutôt à la baisse. "Nous avons enregistré une croissance de l’ordre de 300 % dans l’Hexagone pour Don Julio", constate Benoît Lohio, directeur commercial de Diageo France, l’un des géants de la distribution de spiritueux. "Il y a trente ans, la tequila n’occupait que la huitième place mondiale et elle est aujourd’hui numéro deux aux États-Unis, où elle a détrôné le whiskey", renchérit Enrique de Colsa, maestro tequilero de The Lost Explorer. Un succès qui interroge, les spiritueux mexicains ayant longtemps traîné une mauvaise réputation.
Une mode née des touristes américains
C’est en découvrant les eaux-de-vie 100 % agave que les touristes américains, de passage au Mexique, lancent le mouvement. Une aubaine pour les producteurs locaux qui embrayent en développant cette catégorie auparavant supplantée par les mixto (assemblage d’agave et de sucres d’autres provenances). Deux états produisent majoritairement tequila et mezcal au Mexique : Jalisco et Oaxaca. Les deux appellations sont aujourd’hui des IG (indication géographique) réglementées par des cahiers des charges aussi contraignants que ceux de nos AOC.
Pour sa dernière édition, Spirits Selection, l’émanation spiritueuse du Concours Mondial de Bruxelles, a emmené ses juges au Jalisco. Après de studieuses séances de dégustation pour décerner des médailles fort recherchées, les 150 experts de 40 nationalités différentes ont découvert les nouveaux arcanes de l’agave. Le spiritourisme notamment. "Nous voulons atteindre le niveau de la route du whisky en Ecosse", lâche Michelle Friedman, secrétaire au Tourisme de l’Etat de Jalisco. Et les moyens sont à la hauteur des ambitions.
Un Orient Express mexicain
Exemple avec le Tequila Express : remis sur rail l’an dernier grâce à l’appui du gouvernement mexicain, cette ligne ferroviaire aux lointains airs d’Orient Express relie désormais Guadalajara, la capitale du Jalisco à la ville de Tequila, l’épicentre de la production du spiritueux éponyme. 120 kilomètres effectués à un train de sénateur, soit deux heures passées à admirer les immenses champs d’agaves bleus, inscrits au patrimoine de l’Unesco. Et, cerise sur le gâteau, la possibilité de déguster à volonté les tequilas Cuervo confortablement, calé dans un fauteuil de la voiture-bar en écoutant des mariachis.
Changement d’ambiance une fois arrivé sur place à Tequila, une charmante cité aux rues pavées de pierres volcaniques noires qui contrastent avec les murs chatoyants, souvent recouverts de fresques murales à la gloire de l’agave. Les touristes se pressent aux portes des distilleries, voisines l’une de l’autre. Rafael Ramos Gomez, de la Casa Sauza, confie "avoir accueilli plus de 20 000 visiteurs l’an dernier, sept fois plus qu’il y a dix ans !" Le côté artisanal de ces distilleries qui produisent quand même plus de 500 millions de litres d’alcool par an n’y est pas pour rien. Une grande partie du travail s’effectue toujours à la main. Les jimadores aux jambes protégées par des coques pour éviter les coupures cisaillent les feuilles de l’agave pour extraire le cœur de la plante, la piña. Tranchée en deux ou en quatre, celle-ci est ensuite cuite dans des fours, certains toujours en pierre, comme le prescrit la méthode traditionnelle. Un spectacle séculaire dont ne se lassent pas les vacanciers.
Et, comme en Ecosse ou à Cognac, chaque visite s’achève par une dégustation. Certaines maisons vont plus loin, Sauza propose aussi des pairings (accords) avec des produits locaux : avocat, piment et chocolat. Chez José Cuervo, la tequila se déguste dans un verre spécialement conçu par la célèbre cristallerie Riedel à la demande des distillateurs mexicains. La preuve qu’elle joue désormais dans la cour des grands… "La tequila 100 % agave se déguste aujourd’hui souvent pure, comme un noble single malt", assène Benoît Lohio, de Don Julio, le leader mondial de la tequila premium.
7 à 8 kilos pour obtenir un litre d’eau-de-vie
Nécessitant une période de maturation de six à huit ans, l’agave se révèle précieux, surtout la variété Tequilana Weber Azul exclusivement dévolue à la tequila. Il faut de 7 à 8 kilos pour obtenir un litre d’eau-de-vie. Avec une demande en hausse, les agaveros sont-ils en mesure de tenir la cadence ? Pour l’heure, point de pénurie à l’horizon, toute l’industrie des spiritueux travaille main dans la main avec les fermiers. "Diageo investit massivement au Mexique pour encourager la culture de la plante, nous sommes même en avance sur nos plans", affirme Benoît Lohio.
Mieux, l’aura de la tequila rejaillit aussi sur les autres spiritueux de la même famille. Le mezcal en premier lieu, élaboré à partir de n‘importe quelle variété d’agave, même si la plus courante demeure l’espadin. Encore parfaitement inconnue sous nos latitudes, la raicilla apparaît comme l’outsider de la catégorie. "Cette appellation d’origine protégée, depuis 2019, originaire des montagnes et des côtes de Jalisco reste une production rustique à base d’espèces rares, avec des profils aromatiques allant de la fumée aux notes de sous-bois. Son origine et sa production à petite échelle lui confèrent un côté secret qui aiguise la curiosité", explique Carlos Borboa, directeur Amérique du Concours Mondial de Bruxelles. S’il ne prévoit pas une explosion des ventes en Europe, en raison de structures d’exportation encore trop faibles, il juge "le contexte mondial favorable à sa découverte : le marché est en quête d’authenticité, d’histoire et d’un fort sentiment d’appartenance à un territoire. La raicilla pourrait prochainement occuper une niche en Europe et rappeler au monde que les spiritueux mexicains recèlent encore des pépites." L’agave n’a donc pas dit son dernier mot.
Notre sélection

CODIGO Blanco
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Código 1 530 Blanco (38 %)
Cette tequila 100 % agave, non vieillie, offre une palette aromatique minérale avec des arômes d’agave cuit et de poivre blanc. De la fraîcheur avant une longue finale sèche et nette. 54,90 €.

LOST EXPLORER TEQUILA REPOSADO
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The Lost Explorer Reposado (40 %)
Les reposado doivent effectuer un passage en fût d’une durée de deux mois à un an. Celle-ci a passé quatre mois en ex-barriques de bourbon, puis cinq autres dans des contenants de sauternes et de xérès. Subtile. 70 €.

DON JULIO 1942
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Don Julio 1 942 (40 %)
Une cuvée añejo ultrapremium, issue des meilleurs agaves du domaine créé par Don Julio Gonzales. Elle a été vieillie pendant deux ans et demi au moins. Une tequila moelleuse, délicate et complexe. 255 €.

il y a 1 day
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